Emile Tizané : un "Ghostbuster" chez les Gendarmes

C'est bien connu, le Paranormal reste encore un sujet tabou pour quelques personnes. Cependant il s'est de plus en plus démocratisé, notamment grâce à l'émission "Mystères", diffusée sur TF1 dans les années 90, puis plus récemment avec l'émission "Les 30 histoires les plus mystérieuses" qui a été diffusée dans les années 2000.

De plus en plus de scientifiques et "d'hommes de terrain" ont orienté leurs recherches sur le sujet, car il est vrai que certaines choses ne peuvent pas encore s'expliquer rationnellement. Elles pourront sans doute s'expliquer un jour, mais actuellement ce n'est pas encore le cas. C'est comme cela que je définie le terme "Paranormal". Ce n'est pas qu'une histoire de chasse aux fantômes, ça va bien au-delà...

Aujourd'hui, je vais vous parler d'Emile Tizané (1901-1982), un ancien gendarme français, ayant enquêté avec ferveur sur bon nombre de phénomènes paranormaux. Au cours de sa carrière (de 1935 à 1954), il s'est rendu dans pas moins de 300 maisons hantées, ce qui fait de lui un véritable "Ghostbuster" à titre posthume !

ÉMILE TIZANÉ

Cette activité dévorante a laissé de nombreuses traces : des kilos d'archives, des rapports d'enquêtes, des livres, des correspondances, des photographies, ou encore des croquis, qui prenaient la poussière dans la cave d'un chalet savoyard, depuis sa mort, survenue en 1982.

Ce sont ses archives, communiquées par ses deux fils du gendarme, qui ont constitué la matière du livre de Philippe Baudoin, intitulé "Les forces de l'ordre invisible", paru en novembre 2016. L'ouvrage est magnifique et richement illustré... mais l'auteur, chargé de réalisation à France Culture et philosophe, propose aussi une plongée vertigineuse dans l'esprit d'un homme contradictoire qui applique les techniques d'enquête de la gendarmerie les plus classiques,aux phénomènes les plus extraordinaires.

Symbole de cette contradiction : le petit tampon encreur dont il ne se séparait jamais, cachet administratif apposé sur ses rapports précis et rigoureux aux titres souvent surréalistes...

Plutôt bien noté par sa hiérarchie, Emile Tizané a peiné toutefois à mener à bien son grand projet qui consista à obtenir une reconnaissance officielle de son champ d'investigation favori. Le Paranormal n'était malheureusement pas très pris au sérieux dans les années 30.

Dès 1937, il rédiga un rapport sur la nécessité (qui paraît s'imposer) de soumettre aux officiers de l'Arme, la solution à adopter pour mettre fin, dans certains cas, à des phénomènes dits "occultes". En 1942, il entama une correspondance avec le prix Nobel de médecine Alexis Carrel, lui aussi féru de surnaturel et pétainiste convaincu;

TIZANÉ LAISSE DERRIÈRE LUI UNE IMPORTANTE COLLECTION D'ARCHIVES...

L'Occupation révéla aussi la part sombre d'Emile Tizané, qui participa à l'arrestation, dans les Deux Sèvres, d'Ida Grinspan, une adolescente juive déportée à Auschwitz, en 1944. Elle en reviendra par bonheur vivante...

C'est également pendant cette période, en 1943, qu'il mena sa première enquête officielle sur un phénomène de hantise. L'affaire de "Fontenay Rohan-Rohan", baptisée par la presse de l'époque "l'ensorcelée de Niort", est exemplaire de son travail. Fort de l'accord de sa hiérarchie, il déploie son étrange panoplie, où les méthodes traditionnelles des gendarmes se mêlent aux outils d'investigations spirites, comme la radiesthésie et l'écriture automatique.

Il incite Ginette Auché, une adolescente au cœur (selon lui) des manifestations paranormales, à se livrer dangereusement à une séance de Oui-Ja. En transe, la jeune fille de 15 ans compose des phrases assez sinistres : "Je voudrais qu'elle danse tout de suite, toute nue", "Je la tuerai au coin de la rue"... Vous connaissez mon opinion sur ce genre de pratiques... je pense que cela n'a fait qu'empirer sérieusement les choses !

Cette séance conforte Emile Tizané dans sa conviction que Ginette est manipulée par un "hôte", une force spirituelle aux intentions malsaines. Le gendarme préconise d'éloigner l'adolescente de la ferme, et communique
à la presse les notes de son enquête... au grand dam du Haut-Commandement, qui lui reproche son manque de discernement et de réserve.

Une nouvelle déconvenue pour Emile Tizané qui, après sa retraite, se plonga corps et âme dans ses recherches, se passionna pour les ovnis, multiplia les livres et les articles et se retrouva en butte à des charlatans. Son obsession le mena au bord de la folie, mais sans cesse son objet se déroba à sa quête...

Ce passionné de chasse meurt en 1982 sans avoir pu acculer sa proie invisible. Demeure ses archives et ce livre unique, portrait d'un homme englouti par les mystères qu'il avait voulu dompter.

PHILIPPE BAUDOIN, AUTEUR DU LIVRE "LES FORCES DE L'ORDRE INVISIBLE"

Extrait :

"Officier de gendarmerie, je me suis attaché à l'étude des problèmes incompris qui prennent parfois naissance dans certaines maisons ou leurs abords immédiats. Fort critiqué par nombre de mes camarades, souvent même par des chefs qui m'ont reproché de mal employer mon activité, j'ai cherché dans les enquêtes de gendarmerie relatant des histoires dites "occultes", la part qu'il convenait de donner à la vérité. Plus particulièrement aiguillé vers l'étude des maisons dites "hantées", je recherchais à l'origine la fraude, mais le nombre des documents que j'ai pu recueillir, leur étude, et les conclusions que j'ai pu en tirer me permettent, aujourd'hui, de soutenir que dans la plupart des cas motivant enquête, il y a toujours un être vivant qui est le centre des phénomènes".